Février 2009 : avec Jean-Claude Lenoir

De Politis 62
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Jean-Claude Lenoir, vice-président de l’association Salam (voir Noël 2008 avec SALAM à Calais), qui aide les réfugiés à Calais, est poursuivi pour outrage à l’issue d'une chasse aux migrants afghans effectuée par hélicoptère les 6 et 7 novembre 2008, sur ordre du ministre de l’Identité nationale – traque à l'issue de laquelle 54 Afghans ont été mis en rétention à Calais. Son procès aura lieu le 25 février 2009 à Boulogne. Jean-Claude, déjà condamné, dans une première affaire à un mois de prison avec sursis (pour outrage à CRS), risque donc un mois de prison ferme.

Pour soutenir Jean-Claude

1°) Pétition : Solidarité avec Jean-Claude Lenoir, accusé d'outrage à CRS

Le texte de la pétition : Le 25 février prochain à 8h30 à Boulogne-sur-Mer, Jean-Claude Lenoir, vice-président de l’association SALAM, sera jugé pour délit d’outrage à CRS. Je me déclare solidaire de Jean-Claude Lenoir dans son combat pour dénoncer la répression honteuse dont sont victimes les migrants sans-papiers dans le Calaisis. Je demande l’abandon immédiat des poursuites contre Jean-Claude Lenoir et l’arrêt du harcèlement policier à l’encontre des migrants comme des bénévoles associatifs. Je dénonce en outre l’invocation de plus en plus fréquente de l’outrage par les forces de police en vue de criminaliser l’action militante.

2°) Outrage : STOP le délit

Au travers de son cas, Jean-Claude est un exemple de la criminalisation des luttes militantes via le délit d’outrage. Une pétition est en ligne, à l'initiative de la Ligue des Droits de l'Homme, et du CODEC0 (Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage), pour dire Outrage : STOP le délit. Cette pétition évoque les cas de 12 personnes poursuivies pour outrage, dont Jean-Claude Lenoir.

Les faits

Le plus simple est de reproduire les coupures de presse (novembre 2009).

Libération Lille

Réfugiés à Calais : un bénévole raconte sa garde à vue

MIGRANTS - Jean-Claude Lenoir, vice-président de l'association Salam, qui aide les migrants, paraîtra en comparution immédiate le 25 février 2009, pour "outrage à agent". Selon le substitut du procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, cité par Nord-Littoral, « Il a insulté des CRS en leur lançant "allez-vous faire voir bande de cons" ». Jean-Claude Lenoir réfute cette version, et donne la sienne, au moment où la pression policière est particulièrement forte à Calais, sur une population de réfugiés en forte augmentation.

Dans quel contexte se déroule cette affaire ?

En fait, nous suivons depuis plusieurs jours l'éventuelle reconduite dans leur pays d'Afghans. Nous n'arrivons pas à avoir d'informations officielles sur un charter qui serait prévu en coopération avec la Grande-Bretagne [le sous-préfet de l'arrondissement de Calais dément qu'il y ait une opération prévue de ce type, ndlr]. Nous manifestons donc tous les jours devant le centre de rétention de Coquelles, où sont retenus 57 Afghans. Et nous suivons les opérations policières, en tant que témoins. Notre but, c'est de toujours montrer que nous sommes là. Le message, c'est, nous vous laissons faire car nous n'avons pas les moyens de nous y opposer, mais nous regardons ce qui se passe. Quand vous entendez dire la police dire "on fait le tri", comme jeudi dernier, c'est déjà une sémantique particulière, par exemple.

Vous avez donc assisté à plusieurs opérations policières, qui visaient, selon le sous-préfet de l'arrondissement de Calais, à l'arrestation de passeurs.

Jeudi, nous étions à l'Hoverport, qui est aujourd'hui fermé. Derrière, il y a un espace dunaire, où les réfugiés dorment. Quand les CRS sont arrivés - il y avait une quarantaine de cars-, on a crié au mégaphone "no deport" (pas d'expulsions, ndlr), puis on est resté derrière le périmètre de sécurité. L'ambiance était tout à fait correcte, on expliquait aux policiers pourquoi on était là. Nous ne sommes pas contre les policiers de base qui font leur travail, c'est vraiment une opposition philosophique à la politique sur l'immigration. Et quand l'action a été terminé, les CRS nous ont entourés et nous ont retenus pendant cinquante minutes : il y avait une vingtaine de militants et la presse, un journaliste de Nord-Littoral et un autre de Calais TV.

Vendredi, nous avons été alertés par l'hélicoptère qui survolait la "jungle" [un petit bois près du terminal des ferries où dorment de nombreux migrants, ndlr]. Nous avons essayé de nous rapprocher le plus possible, mais le périmètre de sécurité était gigantesque. La route de Gravelines était fermée à la circulation. Mais nous connaissons bien Calais, et nous avons réussi à nous trouver au coeur de la zone d'intervention. Nous avons vu une centaine de CRS avec des chiens, à qui on avait enlevé la muselière. Ce n'est quand même pas rien. Nous avons aussi entendu des détonations. Avec les projecteurs de l'hélicoptère, on voyait comme en plein jour, tellement il volait bas. Puis nous sommes arrivés au PC où se tenait le sous-préfet, il y avait quatre ou cinq véhicules civils.

Comment s'est passé votre interpellation et votre garde à vue de 24 heures ?

Après la "jungle", nous nous sommes dirigés vers l'Hoverport, car nous avions vu une multitude de cars de CRS sur la zone dunaire. Nous sommes entrés par le fond du parking, j'étais conscient qu'ils allaient nous bloquer. Dès qu'ils m'ont vu, ils m'ont crié "vous vous arrêtez". Je me suis arrêté à l'instant. Un CRS m'a bousculé, et les cinq ou six autres m'ont envoyé en l'air, chacun m'a attrapé une jambe ou un bras, et je ne touchais plus terre. Je me suis retrouvé torse nu, je suis traîné à terre. Je crie, arrêtez de me faire mal, mais à aucun moment je n'ai résisté. Ils m'ont menotté et d'autres policiers m'ont ensuite emmené au commissariat de Calais. A ma première déposition, l'OPJ écrivait une autre réponse que celle que j'avais faite. J'ai réfusé de continuer à déposer. A ma deuxième déposition, j'ai compris que le chef d'inculpation changeait sans arrêt. On m'a d'abord reproché d'avoir dit "bande de cons", puis ensuite "allez vous faire voir", et enfin "allez vous faire foutre". C'est un jeu de manipulation, je n'ai insulté personne.

Vous avez déjà été condamné pour "outrage à agent" par la cour d'appel de Douai...

Oui, à un mois de prison avec sursis. Je risque donc la prison ferme. Pourtant, le CRS à la barre avait reconnu qu'il n'était plus sûr que ce soit forcément moi qui ait tenu des propos diffamatoires. Mais l'avocat général a déclaré, "si vous ne l'avez pas dit, vous l'avez pensé". Alors...

Propos recueillis par S.M.

Nord Littoral

Jean-Claude Lenoir poursuivi pour outrage

Outrage à dépositaire de la force publique. C'est la qualification retenue à l'encontre de Jean-Claude Lenoir, militant-bénévole de Salam. Il a été interpellé dans la nuit de vendredi à samedi alors qu'il assistait à l'interpellation de migrants. « Il a insulté des CRS en leur lançant "allez-vous faire voir bande de cons" », relate Philippe Sabatier, substitut du procureur de la République à Boulogne. Des propos cependant niés par une journaliste qui était présente sur les lieux : « A aucun moment, que ce soit dans la "jungle", dans le bois Dubrulle ou à l'hoverport je n'ai entendu Jean-Claude Lenoir proféré des insultes ou des propos outrageants. » Selon le parquet Jean-Claude Lenoir « a joué la comédie en se jetant par terre et en arrachant ses vêtements ».

La parole de l'un contre celle de l'autre

Vincent Lenoir, fils du mis en cause, était aux côtés de son père lors des faits : « Nous étions derrière des policiers de la sécurité publique. Ils nous ont demandé de rester derrière et c'est ce qu'on faisait. Soudain un CRS est venu dans notre dos et a poussé mon père. Il a dit "vous avez entendu il m'a insulté on l'interpelle". Et ils ont emmené mon père. » Jean-Claude Lenoir est alors déshabillé. «  Quand les CRS ont arrêté mon père, il ne s'est pas débattu. Mais il ne les a pas non plus aidés. Ils l'ont attrapé par le blouson et ils lui ont alors retiré le blouson et le pull. Ils l'ont emmené torse nu au commissariat ! » A minuit, un officier de police judiciaire signifiait à Jean-Claude Lenoir qu'il était placé en garde à vue. Il devait être libéré dans la soirée d'hier. Hier matin, une trentaine de personnes ont manifesté devant le commissariat, place de Lorraine à Calais. Dans l'après-midi, ils étaient deux cents, migrants et bénévoles à réclamer la libération du vice-président de Salam. « Je suis là parce que je souhaite vérifier que tout se passe normalement. » Le cou engoncé dans le col de son imperméable, Philippe Blet regrette les tensions actuelles entre migrants, associations et forces de l'ordre. « J'aimerais que la police traque les passeurs qui se font de l'argent sur la misère humaine, gage le président de la communauté d'agglomération du Calaisis. La situation est difficile autant pour les migrants que les Calaisiens et j'aimerais que les extrêmistes de tout poil cessent d'envenimer cette situation. » Sylvie Copyans (Salam) souligne à ce propos : « Arrêter le vice-président de l'association n'est pas anodin au moment où on essaye de faire bouger les choses et qu'un charter est en préparation entre les autorités françaises et britanniques. »

« Une situation difficile »

Le président de la Cac se refuse à commenter l'affaire Lenoir. Philippe Blet ajoute simplement : « Je connais bien Jean-Claude. Je sais qu'il peut être excessif. Mais je sais aussi ce qu'il apporte aux migrants et donc aux Calaisiens. En ce moment il ne faut pas jouer avec le feu. » Jean-Claude Lenoir est cependant poursuivi. Philippe Sabatier, substitut du procureur rappelle en outre qu'il a « déjà été condamné pour des faits d'outrages à un mois de prison avec sursis par la cour d'appel de Douai en décembre 2005  ».

A.TH.

L'interpellation de Jean-Claude Lenoir paraissait suffisamment importante aux yeux des médias pour qu'elle soit reprise par de nombreux titres français et étrangers.