Résistance d'un directeur. octobre 2008 : Différence entre versions
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− | Je ne supporte plus l'hypocrisie des discours officiels qui se gargarisent de grandes phrases sur l'intérêt des élèves, sur l'égalité des chances, ..., alors que les seuls critères sont comptables avec un arrière fond idéologique pour le moins inquiétant. | + | '''''Je ne supporte plus l'hypocrisie des discours officiels''''' qui se gargarisent de grandes phrases sur l'intérêt des élèves, sur l'égalité des chances, ..., alors que les seuls critères sont comptables avec un arrière fond idéologique pour le moins inquiétant. |
Qui peut croire que l'intérêt des enfants a compté dans la suppression du samedi matin ? | Qui peut croire que l'intérêt des enfants a compté dans la suppression du samedi matin ? | ||
Qui peut croire que les deux heures de travail personnalisé pourront compenser le travail des maîtres spécialisés des RASED qu'on est en train de supprimer ? | Qui peut croire que les deux heures de travail personnalisé pourront compenser le travail des maîtres spécialisés des RASED qu'on est en train de supprimer ? | ||
− | Je ne supporte plus la malhonnêteté des effets d'annonce alors que j'assiste, chaque jour un peu plus à une entreprise systématique et planifiée de démantèlement de l'école publique. | + | '''''Je ne supporte plus la malhonnêteté des effets d'annonce''''' alors que j'assiste, chaque jour un peu plus à une entreprise systématique et planifiée de démantèlement de l'école publique. |
− | Je ne supporte plus le harcèlement administratif des courriels qui arrivent par vagues. Lorsqu'ils ne sont pas accompagnés de pièces jointes (jusqu'à 20 dans un seul envoi !) ou de documents à aller chercher soi-même sur le site de l'académie, il s'agit en général d'injonctions (« merci de me transmettre toujours dans l'urgence telle information ») ou de rappels à l'ordre (« Sauf erreur ou omission je n'ai pas été destinataire de tel document »). Et je suis déchargé totalement ! J'imagine ce que doivent ressentir la grande majorité des directeurs, ceux qui n'ont qu'une journée ou pas de décharge du tout, lorsqu'ils ouvrent leur boite aux lettres électronique. | + | '''''Je ne supporte plus le harcèlement administratif''''' des courriels qui arrivent par vagues. Lorsqu'ils ne sont pas accompagnés de pièces jointes (jusqu'à 20 dans un seul envoi !) ou de documents à aller chercher soi-même sur le site de l'académie, il s'agit en général d'injonctions (« merci de me transmettre toujours dans l'urgence telle information ») ou de rappels à l'ordre (« Sauf erreur ou omission je n'ai pas été destinataire de tel document »). Et je suis déchargé totalement ! J'imagine ce que doivent ressentir la grande majorité des directeurs, ceux qui n'ont qu'une journée ou pas de décharge du tout, lorsqu'ils ouvrent leur boite aux lettres électronique. |
− | Je ne supporte plus le « flicage institutionnel », les multiples tableaux à compléter pour | + | '''''Je ne supporte plus le « flicage institutionnel »''''', les multiples tableaux à compléter pour |
vérifier que nous faisons correctement notre travail, que nous ne tirons pas au flanc pour l'aide | vérifier que nous faisons correctement notre travail, que nous ne tirons pas au flanc pour l'aide | ||
personnalisée, que nous participons bien à toutes les animations pédagogiques. | personnalisée, que nous participons bien à toutes les animations pédagogiques. | ||
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− | Je ne supporte plus cette forme d'infantilisation et ce manque de confiance qui consistent à | + | '''''Je ne supporte plus cette forme d'infantilisation''''' et ce manque de confiance qui consistent à |
nous faire rédiger des projets (projet d'école, projet d'organisation de l'accompagnement | nous faire rédiger des projets (projet d'école, projet d'organisation de l'accompagnement | ||
éducatif, ...) à corriger (pardon « à valider ») par les IEN. | éducatif, ...) à corriger (pardon « à valider ») par les IEN. | ||
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− | Je ne supporte plus la répression rampante, les atteintes au droit de grève, la restriction du | + | '''''Je ne supporte plus la répression rampante''''', les atteintes au droit de grève, la restriction du |
droit à l'information syndicale, .... | droit à l'information syndicale, .... | ||
− | Je me refuse à terminer ma carrière dans la dépression, en plaignant les étudiants que je croise | + | '''''Je me refuse à terminer ma carrière dans la dépression''''', en plaignant les étudiants que je croise |
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Ils sont en train d'être étouffés par une réduction dramatique des subventions publiques et | Ils sont en train d'être étouffés par une réduction dramatique des subventions publiques et | ||
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L'ICEM (Pédagogie Freinet), l'OCCE, la Ligue de l'enseignement, les PEP, la JPA, les CEMEA | L'ICEM (Pédagogie Freinet), l'OCCE, la Ligue de l'enseignement, les PEP, la JPA, les CEMEA | ||
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+ | Ils n'existent que pour défendre nos droits et nos valeurs. | ||
+ | Mais en même temps, ils n'existent que par nos adhésions et notre soutien. | ||
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+ | La démocratie ne s'use que si l'on ne s'en sert pas !! | ||
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veux à nos supérieurs hiérarchiques directs, les IEN ! | veux à nos supérieurs hiérarchiques directs, les IEN ! | ||
Il n'en est rien ! | Il n'en est rien ! | ||
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leur hiérarchie. | leur hiérarchie. | ||
Je ne voudrais pas être à leur place, mais ils ont choisi et comme nous, ils ont la liberté ! | Je ne voudrais pas être à leur place, mais ils ont choisi et comme nous, ils ont la liberté ! | ||
− | + | La liberté d'être de simples courroies de transmission, d'essayer de nous convaincre que tout | |
+ | va bien, que les nouveaux programmes ne changent pas grand-chose par rapport aux anciens, | ||
+ | que l'on peut faire dans les 24 heures qui nous restent tout ce qui est demandé par ces | ||
+ | fameux programmes, même la religion et les trois heures d'allemand. | ||
+ | Ou la liberté de parler vrai, de défendre leurs convictions, d'être des citoyens avant d'être | ||
+ | des fonctionnaires ! '''''Et peut-être de résister !!!''''' | ||
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Bon courage à vous tous. | Bon courage à vous tous. | ||
Roland BRAUN | Roland BRAUN | ||
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roland.braun@laposte.net | roland.braun@laposte.net | ||
le 16 octobre 2008 | le 16 octobre 2008 | ||
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Document envoyé à tous les directeurs d'école du Haut Rhin, à mes collègues de l'école, à quelques IEN ainsi | Document envoyé à tous les directeurs d'école du Haut Rhin, à mes collègues de l'école, à quelques IEN ainsi | ||
qu'à quelques amis militants dans différentes associations d'Education. | qu'à quelques amis militants dans différentes associations d'Education. |
Version actuelle datée du 5 novembre 2008 à 22:55
C'est décidé, j'entre en résistance !!
Je ne supporte plus l'hypocrisie des discours officiels qui se gargarisent de grandes phrases sur l'intérêt des élèves, sur l'égalité des chances, ..., alors que les seuls critères sont comptables avec un arrière fond idéologique pour le moins inquiétant. Qui peut croire que l'intérêt des enfants a compté dans la suppression du samedi matin ? Qui peut croire que les deux heures de travail personnalisé pourront compenser le travail des maîtres spécialisés des RASED qu'on est en train de supprimer ?
Je ne supporte plus la malhonnêteté des effets d'annonce alors que j'assiste, chaque jour un peu plus à une entreprise systématique et planifiée de démantèlement de l'école publique.
Je ne supporte plus le harcèlement administratif des courriels qui arrivent par vagues. Lorsqu'ils ne sont pas accompagnés de pièces jointes (jusqu'à 20 dans un seul envoi !) ou de documents à aller chercher soi-même sur le site de l'académie, il s'agit en général d'injonctions (« merci de me transmettre toujours dans l'urgence telle information ») ou de rappels à l'ordre (« Sauf erreur ou omission je n'ai pas été destinataire de tel document »). Et je suis déchargé totalement ! J'imagine ce que doivent ressentir la grande majorité des directeurs, ceux qui n'ont qu'une journée ou pas de décharge du tout, lorsqu'ils ouvrent leur boite aux lettres électronique.
Je ne supporte plus le « flicage institutionnel », les multiples tableaux à compléter pour
vérifier que nous faisons correctement notre travail, que nous ne tirons pas au flanc pour l'aide
personnalisée, que nous participons bien à toutes les animations pédagogiques.
J'ai eu la chance
de vivre des stages de formation continue (pas beaucoup, il est vrai mais quand même !)
passionnants, stimulants, qui interrogeaient la réflexion et les pratiques, dont je suis sorti avec
le sentiment d'avoir progressé. Que nous propose-t-on aujourd'hui ? Des grand-messes où l'on
paraphrase du « PowerPoint » durant des heures, du formatage au nouveau discours officiel, de
l'endoctrinement ! Pas étonnant dans ces conditions que les seules animations pédagogiques qui
fassent le plein soient les animations sportives. Pas étonnant dans ces conditions que les IEN
doivent demander aux directeurs de « susciter des candidatures ». Pas étonnant qu'il faille
« fliquer » pour que les gens viennent !
Je ne supporte plus cette forme d'infantilisation et ce manque de confiance qui consistent à
nous faire rédiger des projets (projet d'école, projet d'organisation de l'accompagnement
éducatif, ...) à corriger (pardon « à valider ») par les IEN.
Au mieux, ils nous reviennent « validés » avec une remarque du style « Le projet, dans sa
formalisation et dans son contenu, est conforme aux attentes ». Bon élève !
Au pire, on nous demande de revoir notre copie.
Ou l'administration fait confiance à notre professionnalisme et je ne vois pas alors la nécessité
de valider a priori notre travail ou alors nos supérieurs estiment que nous ne sommes pas
capables de construire nous-mêmes nos projets, mais dans ce cas, qu'ils soient cohérents et qu'ils
les rédigent eux-mêmes !
Par ailleurs, quelle illusion de contrôle et de toute puissance dans ce formalisme !!
Je ne supporte plus la répression rampante, les atteintes au droit de grève, la restriction du
droit à l'information syndicale, ....
Je me refuse à terminer ma carrière dans la dépression, en plaignant les étudiants que je croise
à l'école ou mes jeunes collègues qui ont encore quelques dizaines d'années à passer dans cette
galère.
Le découragement conduit à la résignation et à l'inaction, la colère conduit à l'action et à la
résistance.
Je choisis donc la colère et l'action !
Comment résister ?
Un principe d'abord : la principale priorité, la seule, ce sont nos élèves ! Tout le reste est secondaire sinon accessoire ! Faisons comme nos IEN, examinons toutes leurs exigences à la lumière d'une grille d'analyse toute simple : Est-ce que cette demande va aider mes élèves ? Est-ce que cette demande me permettra de mieux faire fonctionner l'école ? Est-ce que cette demande va servir à mes collègues dans leur travail quotidien au bénéfice des élèves ? Si la réponse à ces questions est non, alors la demande n'est pas urgente, quels que puissent être les éventuels délais de réponse. Et si d'aventure, il n'y avait pas de réponse, il est au moins certain que cela ne portera préjudice ni aux élèves, ni aux collègues.
Comment résister ?
Soyons positifs, affirmons-nous, ne restons pas isolés et ne nous laissons pas
culpabiliser !
Après tout, l'école, c'est nous qui la faisons vivre au quotidien, et elle ne fonctionne pas si
mal finalement, quoi qu'on essaie de nous faire croire. Même les enquêtes PISA et PIRLS,
utilisées comme prétexte pour tout changer ne sont pas aussi catastrophiques que certains le
prétendent, - les ont-ils lues ?
En tout cas, malheureusement, il est déjà certain, (ce n'est pas moi qui le dit mais la plupart
des chercheurs en pédagogie) que ce ne sont pas les nouvelles orientations qui feront
remonter le niveau de nos élèves.
Comment résister ?
Ne nous laissons pas intimider
Retournons les agressions de l'administration contre elle : Il faut se déclarer gréviste 48 heures à l'avance ! Soit ! Alors déclarons-nous systématiquement grévistes. Cela ne nous engage à rien mais annule l'intérêt de la déclaration préalable et oblige les communes à se positionner sur le service minimum. Les réunions d'information syndicale doivent être prises sur le temps de travail hors présence élève (les fameux 48 heures) ! Qu'à cela ne tienne ; inscrivons nous massivement aux réunions d'information syndicale au lieu de participer aux animations pédagogiques. Elles seront certainement plus intéressantes et probablement aussi formatrices !
Comment résister ?
Engageons-nous dans les mouvements pédagogiques.
Ils sont en train d'être étouffés par une réduction dramatique des subventions publiques et la suppression des postes de mis à disposition ou de détachés. Pourtant ce sont des lieux extraordinaires de rencontres, de réflexion et de formation. L'ICEM (Pédagogie Freinet), l'OCCE, la Ligue de l'enseignement, les PEP, la JPA, les CEMEA et d'autres que j'oublie, ceux qu'on appelait il n'y a pas si longtemps, les oeuvres complémentaires de l'école sont peut être les derniers remparts de cette Ecole qui prend l'enfant dans sa globalité pour le faire avancer, pour en faire un citoyen, face au dogmatisme et au formatage de ce qu'on cherche à nous imposer. Les trois quarts de ce qui fait ma compétence professionnelle aujourd'hui, c'est à leur contact que je les ai acquis et non dans l'Institution.
Comment résister ?
Syndiquons-nous
J'entends trop souvent des collègues me dire que les syndicats ne servent à rien.
Mais les syndicats, c'est nous !
Si nous voulons qu'ils agissent plus, mieux, qu'ils soient plus près du terrain, à nous de les
faire bouger, de les interpeller, de nous engager.
Ils n'existent que pour défendre nos droits et nos valeurs.
Mais en même temps, ils n'existent que par nos adhésions et notre soutien.
Je ne me suis jamais considéré comme un militant syndical, mais j'ai toujours été payé ma
cotisation syndicale, pour une raison très simple : je n'oublie pas que des personnes sont
mortes pour que nous ayons le droit, ce droit tout simple, d'être représentés et défendus
face au pouvoir en place. Je n'oublie pas qu'aujourd'hui encore, dans certains pays pas
éloignés, les syndicalistes sont menacés et assassinés.
La démocratie ne s'use que si l'on ne s'en sert pas !!
Un mot encore pour terminer.
Une lecture rapide de mon texte pourrait faire croire que j'en
veux à nos supérieurs hiérarchiques directs, les IEN !
Il n'en est rien !
Je connais la plupart des inspecteurs du département. Il y en a que je compte parmi mes amis.
J'ai suffisamment discuté ou milité avec certains d'entre eux pour savoir qu'ils ne sont pas plus
emballés que moi par l'évolution actuelle de l'Ecole. Comme nous, plus que nous certainement, ils
sont pris entre le marteau et l'enclume, entre l'inertie du monde enseignant et les pressions de
leur hiérarchie.
Je ne voudrais pas être à leur place, mais ils ont choisi et comme nous, ils ont la liberté !
La liberté d'être de simples courroies de transmission, d'essayer de nous convaincre que tout
va bien, que les nouveaux programmes ne changent pas grand-chose par rapport aux anciens,
que l'on peut faire dans les 24 heures qui nous restent tout ce qui est demandé par ces
fameux programmes, même la religion et les trois heures d'allemand.
Ou la liberté de parler vrai, de défendre leurs convictions, d'être des citoyens avant d'être
des fonctionnaires ! Et peut-être de résister !!!
Bon courage à vous tous.
Roland BRAUN Directeur de l'école Saint Exupéry à Colmar roland.braun@laposte.net le 16 octobre 2008
Document envoyé à tous les directeurs d'école du Haut Rhin, à mes collègues de l'école, à quelques IEN ainsi
qu'à quelques amis militants dans différentes associations d'Education.